Suite à la conférence du 10 mars 2020 qui présentait la problématique des "Combats de St Léon IX" par Jean-Luc LORBER, curé d'Eguisheim, quelques outils pédagogiques ont été distribués au public dont vous trouvez ci-joint les textes.
Un premier fichier survolant les différents conciles et synodes présidés par le pape Léon IX durant son pontificat ;
un deuxième reprenant le récit du Concile de Reims, fait par Anselme de Saint-Remi, un témoin oculaire;
un troisième fichier sur le vocabulaire.
La deuxième partie de la conférence, qui est ajournée, nuancera le portrait du pape réformateur tel qu'il nous est présenté d'habitude et sera enrichi par la traduction à partir de 25 bulles pontificales écrites en latin de saint Léon IX par Jean-Luc LORBER.
Les synodes et les conciles
durant le pontificat de saint Léon IX
Synode de Rome (Latran)
Du 9 au 15 avril 1049, deuxième semaine après Pâques. Signature de 12 évêques (dont Halinard, archevêque de Lyon). Renouvellement et confirmation des ordonnances des quatre premiers conciles généraux. Déposition de plusieurs évêques simoniaques (dont Kilian de Sutri). Renouvellement de l’ordonnance de Clément II (synode de Sutri, du 20 au 23 décembre 1046) : tous ceux qui avaient reçu les ordres d’un évêque simoniaque qu’ils connaissaient pour tel seraient soumis à une pénitence de quarante jours, mais garderaient leur charge. Renouvellement des anciennes lois sur le célibat. Recommandation à tous les chrétiens de payer leurs dîmes à l’Église. Renouvellement à Eberhard, archevêque de Trèves, de la primatie sur toute la Gallia Belgica. Confirmation des privilèges accordés à l’Église de Trèves.
Synode de Pavie
Du 14 au 20 mai 1049, semaine de la Pentecôte.
Concile ou synode de Reims
Du 3 au 4 octobre 1049. 20 évêques, une cinquantaine d’abbés, un très grand nombre de clercs. Absence du roi Henri Ier, qui avait été invité et s’était excusé.
Première session, le 3 octobre 1049. Désir du pape d’extirper certains maux qui affligent la France, notamment la simonie, les mariages incestueux, le divorce, la bigamie, la sodomie, les vols, l’oppression des pauvres, diverses hérésies, l’usurpation des biens d’Église (autels et certaines charges) par des laïcs, l’abus par lequel des moines et des clercs abandonnent leur habit et leur état, l’habitude des clercs de faire la guerre. Demande expresse à chaque évêque de faire savoir s’il a obtenu sa charge par simonie ou s’il a conféré l’ordination à prix d’argent. Déclaration d’innocence de 15 évêques. Guy, archevêque de Reims, demande un délai. 4 évêques ne prêtent pas serment (Hugues de Langres, Hugues de Nevers, Geoffroy de Coutances, Budic de Nantes). Déclaration d’innocence de la plupart des abbés. Quelques abbés ne prêtent pas serment. Plainte de l’évêque Hugues de Langres contre l’abbé Arnould de Pothières pour inconduite notoire. L’abbé est trouvé coupable et déposé. À la fin de la journée, le pape somme les participants de ne pas quitter le concile avant la fin du troisième jour.
Deuxième session, le 4 octobre 1049. Déclaration d’innocence de Guy, archevêque de Reims : son serment, demandé par le pape, est différé jusqu’au concile de Rome qui se déroulera en avril 1050. Plainte du pape reprochant à l’archevêque de Reims d’avoir retiré l’abbaye de Montier-en-Der de l’autorité de l’évêché de Toul : l’affaire est repoussée jusqu’à la session du lendemain. Plainte du clergé de Tours reprochant à l’évêque Juhel de Dol de s’être séparé du siège métropolitain avec sept autres évêques et d’avoir usurpé le titre de métropolitain : l’évêque Juhel est cité à comparaître au concile de Rome, en avril 1050. Accusation portée contre Hugues, évêque de Langres : simonie, trafic de biens d’Église, port des armes, homicides, viols de femmes, violences sur des clercs, pratique de la torture, adultères, sodomie. Hugues de Langres demande à Hugues, l’archevêque de Besançon, de le défendre. Au moment de plaider, Hugues de Besançon est frappé de mutisme. Commis comme avocat, Halinard, archevêque de Lyon, reconnaît que l’accusation de simonie contre Hugues de Langres est fondée. Lecture du second canon du concile de Chalcédoine par le pape.
Troisième session, le 5 octobre 1049. Absence de l’évêque Hugues de Langres cité à comparaître au prochain concile de Rome. L’évêque Hugues de Nevers reconnaît que l’accusation de simonie portée à son encontre est fondée : il explique que les actes simoniaques ont été commis à son insu et remet sa charge. Le pape le fait jurer de sa sincérité et le rétablit dans sa charge. L’archevêché de Reims produit un privilège prouvant son bon droit sur l’abbaye de Montier-en-Der. On annonce que l’évêque Hugues de Langres a pris la fuite : il est aussitôt excommunié. L’évêque Geoffroy de Coutances réussit à prouver son innocence et est maintenu. L’évêque Budic de Nantes n’y parvient pas et est déposé. Il ne garde que le sacerdoce. Excommunication d’évêques et d’abbés cités au concile et absents sans avoir donné d’excuse canonique : en particulier, Gilduin, archevêque de Sens ; Drogon, évêque de Beauvais ; Foulques, évêque d’Amiens ; Raynaud, abbé de Saint-Médard (de Soissons). L’archevêque de Saint-Jacques en Galice est excommunié pour s’être arrogé le titre d’apostolicus. Publication de douze canons, dont le principal : « Nul ne doit s’arroger le gouvernement d’une église sans avoir été élu par le clergé et par le peuple » (canon 1). Excommunication de sodomites. Excommunication de nouveaux hérétiques en France. Excommunication de ceux qui acceptent une charge des nouveaux hérétiques ou de ceux qui les défendent. Excommunication des comtes Engelfroi et Eustache, en raison de leurs mariages incestueux. Excommunication du comte de Braine, qui avait abandonné sa femme légitime et en avait épousé une autre. Défense faite par le pape à Baudoin, comte de Flandre, d’épouser la fille de Guillaume, duc de Normandie. Citation à comparaître au prochain concile du comte Thibaud, pour avoir abandonné sa femme. Citation à comparaître au prochain concile de Geoffroy, comte d’Anjou, qui gardait prisonnier Gervais, évêque du Mans. Excommunication des profanateurs qui avaient déshonoré les reliques de saint Corneille, à Compiègne. Excommunication de tous ceux qui molesteraient les membres du présent concile.
Concile de Mayence
Du 19 au 21 octobre 1049. Présence de l’empereur Henri III. 40 évêques. Un plus grand nombre encore d’abbés et de clercs.
Rappel des canons précédents. Interdiction de la simonie et des mariages des clercs (évêques et prêtres). L’évêque de Spire, Sigibodo, accusé d’adultère, prouve son innocence par l’épreuve de l’eucharistie. Interdiction aux clercs de faire la chasse aux chiens et aux faucons, de gérer des affaires temporelles et de se prêter à toute espèce de négoce. Interdiction de forcer des hommes jeunes à entrer contre leur gré dans un monastère. Rappel de l’obligation faite aux clercs d’observer le jeûne des quatre-temps. Plainte du clerc Bertald, qui reproche à l’archevêque Hugues de Besançon d’avoir usurpé son siège. Bertald est débouté et menacé d’anathème. Hugues de Besançon est confirmé dans sa dignité archiépiscopale. Discussions entre évêques. Nomination de Bardo, archevêque de Mayence, comme légat apostolique.
Synode de Salerne
Mars 1050.
Mesures prises contre la simonie, le parjure et les mariages défendus par l’Église.
Synode de Siponto
Avril 1050.
Déposition de deux évêques simoniaques.
Synode de Rome (Latran)
Avril 1050. Ouverture du synode le 29 avril 1050. 55 évêques, 3 cardinaux-diacres, 32 abbés.
Discussions à propos des erreurs théologiques de Bérenger de Tours, relatives à l’Eucharistie. Bérenger, suspect d’hérésie (niant la Présence réelle et ne voyant en l’Eucharistie qu’une simple figure), est excommunié. Il est cité à comparaître au prochain synode de Verceil pour s’expliquer sur sa doctrine et venir à résipiscence.
Condamnation de Juhel, évêque de Dol et de ses suffragants, absents au synode : condamnés pour simonie, ils sont excommuniés et déposés.
Renouvellement des mesures contre la simonie et le concubinage des clercs.
Publication, le 2 mai 1050, de la bulle pontificale annonçant la canonisation de Gérard, évêque de Toul (963-994).
Synode de Verceil
Septembre 1050. Ouverture du synode le 1er septembre 1050.
Condamnation de Bérenger de Tours, absent, parce qu’emprisonné par le roi de France.
Excommunication de Humfried, archevêque de Ravenne.
Publication, le 7 septembre 1050, de la bulle pontificale confirmant les privilèges de l’abbaye Saint-Victor de Marseille.
Synode de Rome (Latran)
Avril 1051, à l’issue des fêtes de Pâques.
Excommunication de Grégoire, évêque de Verceil, pour adultère et parjure.
Discussion sur la question de la validité des ordinations conférées, même gratuitement, par des prélats simoniaques. Le pape ne tranche pas.
Règlement du conflit entre l’évêque de Sabine et l’abbaye de Farfa.
Synode de Mantoue
Février 1053. Avec les évêques de Lombardie.
Le pape désirait rétablir la discipline ecclésiastique, la plupart des évêques présents étant simoniaques et mariés. Lors de la première séance, le 21 février 1053, les serviteurs des évêques se mettent à molester les serviteurs du pape. Ce dernier interrompt la séance. Le lendemain, après un interrogatoire sévère, le pape se résout à absoudre les coupables et met fin au synode.
Synode de Rome (Latran)
Avril 1053, à l’issue des fêtes de Pâques.
Confirmation des privilèges du patriarche de Grado, la nouvelle Aquilée, qui se voit accorder les droits de métropolitain sur la Vénétie et l’Istrie, tandis que l’évêque de Forjulium (Frioul), où s’était réfugié le patriarche d’Aquilée, doit se contenter du territoire des Lombards.
Sur le Concile de Reims en 1049
XXVI. Le jour suivant, cinq des nones d’octobre [3 octobre], se rassemblent dans la susdite basilique [Saint-Rémi] des évêques au nombre de vingt, avec près de cinquante abbés et d’autres de l’ordre ecclésiastique, très nombreux. Aussitôt, une vieille querelle se renouvelle entre les clercs des archevêques de Reims et de Trèves. Les uns assurent que Reims était primat en Gaules et que par conséquent lui revenait l’ordonnance du synode. Mais les autres, au contraire, s’efforcent d’attribuer à l’archevêque de Trèves cette même dignité et d’acquérir le premier siège, après le prélat de l’Église romaine, dans la célébration du concile. Le seigneur pape cependant ne juge pas le temps opportun pour qu’on puisse à leurs raisons imposer une fin convenable ; bien plus, il craint qu’une telle controverse ne fasse éclater le scandale d’un conflit. Les bas-sièges des évêques seront disposés en couronne, prescrit-il, et au milieu d’eux sera placée l’estrade de son propre siège ; les modalités de cette ordonnance, décide-t-il, seront exécutées au jugement de l’archevêque de Reims. Celui-ci convoque ses archidiacres et quelques-uns de ses principaux clercs : avec leur conseil, il fait disposer les bas-sièges des évêques, en couronne comme on a dit, et au milieu le [siège] apostolique, bien spécifique […]. Tous s’assoient, en l’ordre que l’archevêque de Reims a disposé. Le seigneur pape est en effet comme on l’a dit, au milieu du chœur, le visage face au sépulcre du bienheureux Rémi. Il a donc sous les yeux, du côté oriental, Reims à droite et Trèves à gauche […]. Quand ils sont assis de la sorte, on impose le silence et sur l’ordre du seigneur pape se lève Pierre, diacre de la sainte Église romaine, pour annoncer, en un rapide discours, ce dont il sera question dans ce synode. Il s’agit des nombreux actes illicites qui, dans les Gaules, se pratiquaient à l’encontre des dispositions canoniques […]. Après quoi, s’adressant aux évêques, il les avertit, sous menace d’anathème de l’autorité apostolique : si l’un d’eux était parvenu aux saints ordres par hérésie simoniaque ou avait promu quelqu’un à cette dignité contre paiement, qu’il en fasse confession publique.
XXVII. Le premier alors, l’archevêque de Trèves, se lève à ces paroles et répond que lui n’avait rien donné ni promis pour accéder à l’épiscopat, et qu’à personne il n’avait vendu les saints ordres. Ensuite Lyon et Besançon se lèvent et proclament qu’ils sont exempts de toute faute de ce genre. Alors le susdit diacre se tourne vers l’archevêque de Reims et le requiert de dire ce qu’il avait à déclarer au sujet des fautes dont les autres s’étaient purgés. Mais lui, se levant, demande un délai jusqu’au lendemain ; il dit vouloir parler en privé au seigneur pape. On lui concède le délai. Tous les autres se lèvent dans l’ordre ; reprenant les paroles des premiers, ils se purgent de tout soupçon de ce genre. Quatre seulement font exception, à savoir Langres, Nevers, Coutances et Nantes : pour ce jour, la discussion de leur cause est laissée de côté. Le diacre, poursuivant son discours, se tourne vers les abbés qui sont là et leur demande de confesser, eux aussi, si d’aventure ils étaient entrés dans le bercail du Seigneur autrement que par la porte […]. Alors le seigneur Hugues de Cluny […] se purge et ajoute cette raison : « Pour obtenir l’honneur de l’abbatiat, Dieu m’est témoin, je n’ai rien donné ni promis, que certes la chair eût voulu, mais qui répugnait à l’esprit et à la raison ». Après lui, certains s’appliquent à se justifier convenablement ; d’autres au contraire, qui ne répondent rien, préfèrent cacher leur faute plutôt que de la rendre publique […]. Ces choses une fois arrêtées, il est édicté, sous l’anathème de l’autorité apostolique, que si l’un des assistants affirme que le primat de l’Église universelle est quelqu’un d’autre que l’évêque du siège de Rome, il s’en explique ici même publiquement. Et comme tous les gardent le silence, on lit les sentences autrefois promulguées sur ce sujet par les pères orthodoxes et l’on déclare que seul le pontife du siège romain est le primat de l’Église universelle et [l’homme] apostolique. Après cela, le seigneur pape prohibe à qui que ce soit, à peine d’excommunication, de se retirer sans sa permission avant le troisième jour passé à la célébration du concile. Déjà la nuit approche : l’assemblée est renvoyée […].
XXVIII. Le jour suivant, les évêques avec les abbés et le clergé se rassemblent dans la basilique […]. L’archevêque de Reims devait rendre raison de l’hérésie simoniaque, pour laquelle il avait obtenu la veille un délai ; le susdit chancelier [Pierre] l’y invite, lui demandant compte aussi de nombreux crimes qu’il avait appris, assure-t-il, par la rumeur (fama publica) […].
XXX. Après quoi, le diacre déjà nommé en vient à l’évêque de Langres. La dignité épiscopale, il l’a obtenue par hérésie simoniaque ; les saints ordres, il les a vendus ; portant malgré tout le droit des armes de guerre, il a perpétré des homicides ; il a violé les droits du mariage d’autrui ; contre ses clercs, il a exercé la tyrannie ; il s’est même pollué du vice sodomique : il est accusé de ces crimes. Des accusateurs très nombreux, présents, donnent crédit à ces paroles. Parmi eux, un clerc assure que lui-même étant encore laïc, il avait enlevé son épouse par la violence et, après avoir perpétré avec elle l’adultère, l’avait faite moniale […]. Quoiqu’il fût impliqué en tant de vices, il voyait la poutre dans les yeux d’autrui plutôt que dans les siens puisque la veille, il avait incriminé son frère, coupable sans doute, et avait aspiré à sa condamnation, lui qui méritait si bien d’être condamné. Non seulement il ne peut se disculper des crimes objectés, mais son avocat lui-même ne peut proférer quoi que ce soit pour sa défense, perdant tout usage de la langue par volonté divine. L’évêque de Besançon en effet, qui avait accepté l’affaire, au moment où il se dispose à plaider et à avancer de mauvaises raisons pour l’excuse du criminel, sent soudain que l’appui de la voix lui est refusé par volonté divine […].
[L’archevêque de Lyon plaide pour l’évêque de Langres, qui avoue la simonie et l’extorsion d’argent mais nie les autres crimes ; on lit les sentences des canons sur la simonie et le jugement est reporté au lendemain. Le lendemain, les débats reprennent sur l’affaire de Langres, mais l’évêque accusé s’est dérobé].
XXXI. Le référendaire lui-même adresse la parole à ceux qui ne se sont pas encore purgés de l’hérésie simoniaque en répondant comme il est dû. Alors l’évêque de Nevers se lève et confesse que pour obtenir l’évêché (episcopium), beaucoup d’argent a été donné par ses parents mais qu’il l’avait ignoré ; l’ayant obtenu, il avait commis quelques fautes contraires à la religion de l’Église : d’où, assure-t-il, la vindicte de la punition divine lui fait grande peur. Pour cette raison, si cela semble approprié au seigneur pape et à la présente assemblée, il veut se démettre de son office plutôt que de mettre en péril son âme en s’y maintenant. Et sitôt dit, il dépose son bâton pastoral aux pieds mêmes du pape. Mais celui-ci, fléchi par la dévotion d’un tel homme et avec la faveur du synode, lui fait prouver par serment que l’argent avait été donné sans son consentement puis, au moyen d’un autre bâton, il lui rend le ministère épiscopal. […].
XXXIII. S’avançant enfin, Nantes confesse que son père avait été évêque de sa cité et que, lui vivant, il avait reçu le don de l’évêché (donum episcopii) : à sa mort, il lui avait été subrogé à largesse d’argent. C’est pourquoi, par jugement du synode, on lui enlève l’anneau et le bâton pastoral et il est privé du ministère épiscopal ; sur intervention des évêques, on lui accorde le seul office de prêtre.
XXXIV. Leur cause étant donc terminée de cette façon, le seigneur pape avertit les archevêques qui sont en sa présence : s’ils savent quelqu’un de leurs suffragants coupable de la peste simoniaque, qu’ils ne refusent pas de le faire savoir devant tous. Ceux-ci nient absolument le savoir. On discute alors sur les évêques qui, invités à ce synode, n’avaient pas voulu y venir et n’avaient pas transmis d’excuse. Les sentences appropriées des Pères étant lues à haute voix, ils sont condamnés à l’excommunication avec tous ceux qui, craignant la venue du pape-même, étaient partis pour cette raison à l’expédition du roi. Ce sont nommément l’archevêque de Sens, les évêques de Beauvais et d’Amiens ; mais aussi l’abbé de Saint-Médard [de Soissons] parce qu’il avait quitté sans permission l’assemblée conciliaire. On excommunie aussi l’archevêque de Saint-Jacques en Galice, parce qu’à l’encontre du droit, il revendique pour lui le nom suprême, le nom apostolique (culmen apostolici nominis). Après quoi, sur la demande de ceux que l’amour de la sainte religion avaient amenés ici, sont renouvelés plusieurs décrets des saints Pères que l’incurie tenait alors pour rien ; et bien des choses qui se pratiquaient illicitement dans l’Église des Gaules, on interdit sous peine d’anathème de les faire désormais, à savoir :
1) que personne ne soit amené à diriger une église sans élection par le clergé et le peuple ;
2) que personne n’achète plus ni ne vende les saints ordres, le ministère ecclésiastique ou les autels. Et si quelque clerc en achetait, qu’il le rende à son évêque en en faisant digne satisfaction ;
3) qu’aucun laïc ne tienne un ministère ecclésiastique ni des autels et qu’aucun des évêques n’y consente ;
4) que dans l’aître des églises, personne d’autre que l’évêque et son ministre ne présume exiger des coutumes, quelles qu’elles soient ;
5) que personne n’exige quoi que ce soit pour la sépulture ou le baptême, pour l’Eucharistie ou la visite des malades ;
6) qu’aucun clerc ne porte les armes militaires ou ne serve dans la milice du monde ;
7) qu’aucun clerc ou laïc ne pratique l’usure ;
8) qu’aucun moine ou clerc ne soit apostat à son état (gradu) ;
9) que personne n’ose faire violence à ceux de l’ordre sacré qui vont sur les routes ;
10) que personne, par rapine ou capture, ne tourmente les pauvres ;
11) que personne ne se lie d’une union incestueuse ;
12) que personne ne délaisse son épouse légitime pour en prendre une autre ;
13) et parce que de nouveaux hérétiques s’étaient montrés dans les Gaules, [le synode] les excommunia, y compris ceux qui recevraient d’eux quelque cadeau ou service, ou bien leur fourniraient quelque défense ou protection ;
14) de pareille manière, il condamna aussi les sodomites.
Anselme de Saint-Remi, Histoire de la dédicace de Saint-Rémy, éd. dom J. Hourlier, Travaux de l’Académie nationale de Reims, 160 (1981), p. 181-297 ; trad. Sources d’histoire médiévale, IXe-milieu du XIVe siècle, éd. G. Brunel et E. Lalou, Paris, Larousse, 1992, p. 148-151.
Vocabulaire
SIMONIE
La simonie (cf. Ac 8, 9-24) se définit comme l’achat ou la vente des réalités spirituelles. À Simon le magicien, qui voulait acheter le pouvoir spirituel qu’il voyait à l’œuvre dans les apôtres, Pierre répond : « Périsse ton argent, et toi avec lui, puisque tu as cru acheter le don de Dieu à prix d’argent » (Ac 8, 20). Il se conformait ainsi à la parole de Jésus : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10, 8 ; cf. déjà Is 55, 1). Il est impossible de s’approprier les biens spirituels et de se comporter à leur égard comme un possesseur ou un maître, puisqu’ils ont leur source en Dieu. On ne peut que les recevoir gratuitement de Lui.
Catéchisme de l’Église catholique (1992), n° 2121.
Canon 2. Si un évêque faisait une ordination pour de l’argent et mettait en vente la grâce invendable, et ordonnait pour de l’argent un évêque, un chorévêque, un prêtre, un diacre ou quelqu’un de ceux qui sont comptés parmi le clergé, ou nommait pour de l’argent un économe, un avoué, un administrateur ou en général quelqu’un de la liste officielle, poussé par sa propre et honteuse cupidité, que celui qui entreprend une telle chose s’expose, si le fait est prouvé, à perdre son propre rang ; et que celui qui a été ordonné ne tire aucun profit de l’ordination ou de la promotion obtenue par commerce, mais qu’il perde la dignité ou la charge acquise pour de l’argent. Si de plus il apparaissait que quelqu’un s’est entremis pour ces profits honteux et prohibés, que celui-là aussi, s’il est clerc, soit déchu de son propre rang et, s’il est laïc ou moine, soit frappé d’anathème.
Concile de Chalcédoine, 7e (15e) sessions (451), Dz 304.
NICOLAÏSME
Le terme de nicolaïsme a une origine incertaine. Il finit par désigner l’incontinence des clercs. La chasteté et le célibat faisaient partie de l’ancienne discipline de l’Église occidentale. Mais des brèches avaient été ouvertes dans cette discipline. En fait, en Europe occidentale, après la chute de la civilisation romaine, il devint de plus en plus fréquent de négliger le précepte. Ici encore nous manquons forcément de statistiques. Souvent les réformateurs exagèrent. Mais nous avons des preuves nombreuses et constantes qui montrent que – comme on peut s’y attendre de la part d’une grande organisation indisciplinée – le mariage ou le concubinage étaient choses répandues. Le terme « mariage » n’est pas incorrect. À cette époque, les ordres sacrés ne constituaient pas un empêchement canonique pouvant invalider une tentative matrimoniale. Le mariage ne nécessitait pas la présence et la bénédiction d’un prêtre. Dans tous les pays, beaucoup de prêtres s’étaient engagés dans des unions durables, en supportaient les conséquences légales et en tiraient tous les droits. Ainsi donc le nicolaïsme entraînait d’autres résultats que ces effets particuliers aux individus. Il conduisait naturellement à la transmission héréditaire des églises (en tant que bénéfice) et à la dispersion de la propriété ecclésiastique par don ou par testament. Il conduisait également à des difficultés sociales ou économiques propres à cette époque. Bien que le prêtre fût souvent de condition serve ou vilaine, son office l’élevait du milieu de ses semblables. Son épouse était souvent de naissance libre. Les fils « suivaient la mère ». Le seigneur était privé de la progéniture de ses serfs comme d’une certaine partie des biens de l’église que le serf avait acquis en don ou en héritage. Ainsi le seigneur laïc et le réformateur furent parfois alliés pour des raisons économiques.
Michael David Knowles, Nouvelle Histoire de l’Église, 2. Le Moyen Âge, 1968, p. 105-106.
LIBERTÉ
Au Moyen Âge, la notion a une double acception. Elle désigne d’abord une réalité sociale : est libre celui qui a certains droits et n’est pas esclave. Elle désigne ensuite une réalité juridique. Le droit de liberté définit la propriété, par acquisition ou par don. Le privilège de liberté garantit que d’autres n’interviennent pas dans la gestion de la propriété. Le droit de liberté est aussi un droit de franchise : aucune redevance n’est due à un seigneur, réserve faite des impôts publics.
Sub libertatis privilegium consistere : être placé/ demeurer sous privilège de liberté.
Formule qui indique qu’un établissement religieux est placé sous le régime de l’immunité, c’est-à-dire qu’il relève du roi, à l’instar des trois plus anciens monastères ayant reçu ce privilège, que sont Lérins, Agaune et Luxeuil, tous fondations du VIe siècle ; et que les agents du roi (judex) ne peuvent y intervenir ni en usurper (usurpare) les villae ou les mancipia. Ce privilège impose que le monastère respecte les règles suivantes concernant ses villae et ses mancipia, quelle qu’en soit la provenance et parce que ces biens ont fait l’objet d’un recensement sur présentation de l’abbé ou du fondateur (quem nobis praefatus ille protulit recensendum, sanctitum esse cognovimus) : ne pas les aliéner (quoque ordine de loco auferre), ne pas les diminuer par des échanges de titres (vel aliquid quasi per commutationis titulum minuere).
Gérard Chouquer, La terre dans les sociétés du haut Moyen Âge. Droit agraire, propriété, cadastre et fiscalité, 2017, p. 980.
IMMUNITÉ
Immunité (1)
Privilège accordé par le souverain à des fidèles ou des établissements religieux et comportant divers avantages. L’immunité, ecclésiastique ou laïque, concerne les clauses suivantes : absence d’intervention du judex dans le territoire immun pour juger les causes et percevoir des amendes ; pas de droit de gîte pour les agents du comte ou de l’évêque ; pas de fourniture pour les voyageurs ; pas de réquisition de cheval ; pas de versement du cens ; pas d’obligation de fournir des fidéjusseurs. Mais elle comporte aussi des clauses d’adscription qui renforcent l’immunité : par exemple, l’homme libre qui quitte le territoire ne peut emporter son bien c’est-à-dire le vendre à l’extérieur.
Immunité (2)
Territoire bénéficiant de l’immunité accordée par le souverain. Dans un certain nombre d’actes ou de lois, le terme immunité ne désigne pas le privilège mais l’espace ou le lieu qui en bénéficie. Ainsi un dépendant, un faux-monnayeur, peuvent fuir dans une immunité, comme ils le peuvent dans une potestas, un fisc ou une propriété.
Immunité d’une abbaye par rapport à l’évêque
D’après une formule de Flavigny, les contenus d’une immunité monastique concernent : l’absence de pouvoir de l’évêque de la cité sur le monastère ; pas d’intervention des agents de l’église concernant les biens du monastère ; pas de droit de nomination ; pas de fourniture de fourrage (pastus) ; pas de droit de gîte ; pas de réclamation (repetere) sur les biens du monastère ; pas de droit de choisir l’abbé ; pas de droit d’assigner les fonctions ministériales ; pas de droit de consécration des autels ; pas de droit d’accès au monastère pour décerner des ordres.
Gérard Chouquer, La terre dans les sociétés du haut Moyen Âge. Droit agraire, propriété, cadastre et fiscalité, 2017, p. 928-929.
INVESTITURE
Au Moyen Âge, la notion a plusieurs sens. Au sens large, elle désigne l’acte par lequel une personne met une autre en possession d’une chose (en latin, vestitura ou investitura qualifie l’acte de vêtir quelqu’un, comme si celui qui reçoit la chose en était vêtu). Le mot est employé dès le IXe siècle pour signifier la donation et la réception d’une église et, en même temps, de la dignité ecclésiastique qui y est associée.
Vestitura : investiture, mise en saisine.
La vestitura, que le fidèle reçoit du souverain, fait qu’il est désigné seigneur des terres et qu’il peut ensuite les concéder en tenures à ses hommes ou ses aprisionaires ; on trouve dans le jugement de 834 concernant la villa de Fontjoncouse : et vestituram habente per ipsa epistola domini imperatoris.
Gérard Chouquer, La terre dans les sociétés du haut Moyen Âge. Droit agraire, propriété, cadastre et fiscalité, 2017, p. 993.