http://kastel.elsass.free.fr/chateaux/ht_eguisheim.htm
http://j57oihy.blogspot.fr/2014/08/le-complexe-fortifie-duhaut-eguisheim.html
L'Alsace 16/07/2013 Textes : Hervé de Chalendar
C’est fatal : plus une famille grandit, plus elle se divise. Les châteaux ruinés qui, telles les cheminées d’un paquebot, dressent leurs donjons au-dessus de la belle Eguisheim témoignent des soubresauts inextricables des guerres de successions.
Ces trois donjons veillaient sur autant de châteaux, juchés sur l’emprise d’une forteresse primitive. Bâtie dès le XIe siècle, cette première construction était une des manifestations très visibles de la grande puissance du comte Hugues d’Eguisheim, aussi à l’origine du château du Bernstein, 40 km plus au nord (lire le premier volet de notre série). « Cette famille avait ainsi quadrillé l’Alsace de châteaux forts, pour mieux la contrôler » , précise l’historien Guy Trendel.
Le jeu des alliances et de la cupidité – c’est une règle de base : le château d’un seigneur est toujours convoité par un autre, fut-il « allié » – morcelle le site aux XIIe et XIIIe siècles. La succession est d’autant plus complexe que le dernier surgeon de la haute lignée des Eguisheim, Gertrude, a connu trois prestigieux maris : un duc de Lorraine, un comte de Champagne et un comte de Linange. Chacun se retranche sur sa part d’héritage, se barricade chez soi, des fossés sont creusés entre les propriétés, des archères dirigées vers le voisin…
Du sud au nord, on distingue alors le Weckmund (ou Vaudemont, du nom d’une famille alliée), le Wahlenbourg, centré sur le château primitif, et le Dagsbourg (nom alsacien de Dabo). Comme au Bernstein, ces biens issus des Eguisheim finiront dans l’escarcelle de l’évêque de Strasbourg. Ce site extraordinaire passera aussi, ensuite, dans les mains des Ferrette ou des Habsbourg : ainsi, tous les puissants d’Alsace ont possédé un jour le Haut-Eguisheim… Jusqu’aux bourgeois mulhousiens : avec l’aide des villes de Kaysersberg, Turckheim, Munster, Sélestat et Colmar, ils incendient – et prennent – le site à l’occasion de la Guerre des Six-Deniers, en 1466. On voit encore les pierres éclatées sur le donjon du Weckmund ; ces cicatrices ne sont pas dues à des projectiles, mais bien au feu.
Vestige d’une tour romaine
Seule la chapelle Saint-Pancrace, que l’on dit consacrée vers 1050 par le pape Léon IX (fils d’Hugues d’Eguisheim), avait alors été épargnée. Elle est devenue un lieu de pèlerinage. Aujourd’hui, ce n’est plus, dans le Wahlenbourg, qu’un simple rectangle, traversé sans rien soupçonner de sacré, en jouant les passe-murailles dans ce terrain de jeux où plus aucune défense ne protège une forteresse de la suivante.
Au bout de la promenade, au nord, sous les ruines du Dagsbourg, Guy Trendel fait remarquer l’esquisse d’un mur courbe : se révèle ici le vestige d’une tour de guet romaine du IVe siècle. Sur ces fondations antiques, faites de pierres transportables à mains d’homme, les bâtisseurs du Moyen-Âge ont posé des blocs maniés par des géants.
De retour au parking, on peut jeter un œil sur un autre type de ruine : c’est un bâtiment d’accueil et d’information du XXe siècle, qui n’a jamais été achevé…