L’Abbaye de Marbach est située pour partie sur le ban d’Eguisheim. C’est en effet le ruisseau du Marbach qui sépare la propriété en deux : coté Nord le ban d’Eguisheim et coté Sud le ban d’ Obermorschwihr. A l’origine ce ruisseau du Marbach marquait la frontière entre les terres de l’évêque de Strasbourg (le Mundat supérieur) et les possessions des comtes d’Eguisheim.
C’est en 1089 que Burchard de Gueberschwihr crée ce monastère régulier de l’ordre des Augustins.
D’importantes donations en terres de la noblesse alsaciennes vinrent encourager l’œuvre du noble Burchard de Gueberschwihr. Parmi celle-ci on note des transferts de biens de Gérard, premier Comte de Vaudemont et de son épouse Heilwige, nièce du pape St Léon IX, ainsi que des terrains provenant d’Albert 1er de Muisal, Comte d’ Eguisheim.
Après plus de 7 siècles d’existence l’Abbaye de Marbach connu les vicissitudes de la révolution française qui par la loi du 13 février 1790 supprime tous les ordres et congrégations en France. C’est un lent démantèlement qui démarre dans un premier temps par des vols et spoliations d’objets précieux puis par les ventes aux enchères des biens au profit de la nation.
Le domaine de Marbach avec la chapelle de St Augustin, le jardin et les dépendances, furent adjugés le 17 octobre 1791 pour la somme de 32.500 livres à Messieurs Roux et Schaedelin, de Neuf Brisach(4).La mise à prix était de 21.000 livres, preuve s’il en fallait que l’Abbaye avait de l’intérêt. Rappelons qu’une livre valait 8,3grammes d’argent pur et donc 32.000 livres étaient l’équivalent de 265 kg d’argent pur.
Les sieurs Roux et Schaedelin ne voulant pas sacrifier leur fortune pour l’entretien des bâtiments les vendirent en 1796 à des vignerons d’Eguisheim(5) certainement avec un profit non négligeable ! Le monastère devient une carrière à ciel ouvert et fut démantelé pierre par pierre presque intégralement jusqu’en 1830.
Un décret du 3 août 1791 prescrit d’utiliser le métal des cloches des églises supprimées à la fabrication de pièces de monnaie. Le district de Colmar engage aussitôt le charpentier d’Eguisheim Monsieur Sattler(1) à descendre les sept cloches(2) de l’Abbatiale de Marbach pour les envoyer à la fonderie.
La municipalité d’Eguisheim intervient aussitôt auprès du district et du directoire du département et propose l’échange de trois cloches de l’église paroissiale contre trois cloches de L’Abbaye de Marbach(3). Le district et le département donnent leur accord à cet échange.
Le 20 octobre 1791, le directoire du département expédie à la fonderie de Strasbourg les sept cloches dont trois proviennent de l’église d’Eguisheim.
En octobre 1826 on constate cependant une certaine disharmonie entre ces cloches. Le fondeur Kress de Colmar fut alors chargé d’en refondre deux pour les accorder avec la troisième, la grande cloche(6) qui garde seule son authenticité.
Cette dernière se trouve depuis cette date dans le clocher d’Eguisheim. Ce bourdon est un gros modèle de 1750 kg (7) qui produit un son très grave et qui est généralement utilisé pour signaler des événements tristes. Sur la robe de la cloche est gravé le blason de l’ordre de Saint Augustin représentant un cœur enflammé transpercé en diagonale de deux flèches et la date de fabrication 1774 (8).
Ce bourdon n’était donc en service au monastère de Marbach que durant 17 années avant de prendre un nouvel envol. Depuis 225 ans les habitants d’Eguisheim et des communes avoisinantes se sont familiarisés avec le son de cette cloche seul vestige sonore de l’Abbaye de Marbach.
Léon Baur /Janvier 2017
1, 3 et 6.- Goehringer François Auguste , Histoire de l’Abbaye de Marbach 1954 p. 307
2.- Muller Claude, Eguisheim Terre d’histoire, 2013 p.132
4 et 5.- Herzog Emile, Marbach, le Préventorium, les environs 1928 page 47 et 48